La vague du numérique a déferlé sur nos sociétés en amenant un flot ininterrompu de révolutions dans tous les secteurs. Elle prône une utilité sociale et sociétale à toute épreuve, et représente même un atout dans la transition énergétique et écologique. Mais toute médaille a son revers, car tout progrès technologique est immanquablement rattrapé par les usages qui en sont faits. La technique engendre toujours plus de technique lorsque la seule préoccupation est de gagner en efficacité et en puissance. C’est ce que l’on appelle « l’effet rebond ».
L’intangible a bien des effets tangibles sur la planète et le dérèglement climatique. Le numérique repose en effet sur une infrastructure complexe de production, d’exploitation et de stockage de données qui consomme des ressources limitées et engendre des déchets difficilement recyclables.

Si la dimension environnementale de la sobriété numérique est souvent mise en avant, il est crucial d’en élargir la réflexion aux impacts sur le vivant. Au-delà des ressources naturelles, l’omniprésence du numérique façonne nos modes de vie, influence notre bien-être et redéfinit nos interactions sociales. Ces transformations interrogent notre responsabilité collective et la nécessité d’intégrer une approche plus globale.
Comment concilier innovation, sobriété numérique et respect du vivant ? Quels leviers mobiliser pour inscrire le numérique dans une démarche réellement durable et responsable ? Pour y répondre, Sophie Lavault, Docteure en neurosciences, psychologue clinicienne, ingénieur de recherche et Agathe Nicolle, Responsable RSE de Willing, croisent leur regard afin d’analyser les impacts du numérique sur l’environnement, la société et les individus, tout en explorant les actions à mettre en place pour un numérique plus sobre et responsable.
Le numérique : un progrès au détriment du vivant ?
L’envahissement du numérique entraine un déferlement de notifications et de données à traiter, tant dans l’espace personnel que professionnel. Cela impacte le système nerveux des utilisateurs à plusieurs niveaux : augmentation de la charge mentale, fatigue cognitive, difficulté de concentration, difficulté à réguler le stress et à maintenir son attention sur des tâches n’apportant pas de gratifications immédiates.
Lorsque le cerveau est confronté à un grand nombre de données à traiter dans un temps limité et à des notifications incessantes, il se produit deux grands phénomènes :
- Nous privilégions un système de pensée rapide, automatique et incontrôlable, siège de tous nos biais cognitifs. Nous n’avons plus l’espace ni le temps pour utiliser notre esprit critique, sous-tendu par un système de pensée plus lent, plus couteux en énergie, mais aussi plus proche de nos valeurs et de ce qui fait sens pour soi.
- Nous sur-sollicitons notre système du stress, au détriment du repos et de la récupération. Nous sommes en alerte, à l’affût de mails ou d’informations importantes, passant d’une tâche à l’autre en oubliant parfois de se connecter à ses ressentis, notamment la fatigue, qui nous indique de ralentir.
Sans compter la problématique de la sédentarité provoquée par l’usage des écrans, les effets sur notre fonctionnement psychique sont critiques et montrent à quel point il est crucial de prendre en compte l’impact du numérique sur le vivant dans son ensemble.
Face à ces défis, un changement de paradigme s’impose. La sobriété numérique ne doit pas être subie, mais pensée comme une opportunité d’adaptation. C’est ici que la RSE joue un rôle clé.
Réinventer le numérique : la RSE comme levier d’adaptation
Alors que des usages déraisonnés sont prônés dans plusieurs pays du monde, la low-tech propose une approche raisonnée, résiliente et accessible de la technologie. À la croisée de l’innovation et de l’éthique, la sobriété numérique s’impose comme un levier incontournable pour relever les défis contemporains. Elle invite ainsi à repenser nos usages et à transformer nos organisations pour mieux les aligner à long terme avec les principes de responsabilité sociale, sociétale et environnementale.
1. Limiter l’empreinte environnementale
La fabrication et l’usage des technologies numériques ont un coût écologique considérable. Extraction des ressources rares, consommation énergétique des infrastructures, déchets électroniques difficiles à recycler : chaque maillon de la chaîne a un impact tangible. Pour limiter cette empreinte, les organisations peuvent agir à plusieurs niveaux, comme la loi REEN de 2021 nous invite à le faire : réduire l’obsolescence des équipements, favoriser le reconditionnement, mutualiser les usages et concevoir des services numériques moins énergivores.
2. Préserver la santé et le bien-être des individus face à l’infobésité
L’omniprésence du numérique modifie profondément nos rythmes de vie et nos modes de travail. Hyperconnexion, surcharge cognitive, altération de l’attention : l’impact sur le bien-être est bien réel. Encourager le droit à la déconnexion, repenser l’équilibre entre travail en ligne et interactions physiques, et sensibiliser aux risques de la surconsommation numérique sont autant de leviers à activer pour un numérique plus respectueux des individus.
3. Une responsabilité sociétale : repenser nos modèles économiques et nos usages
Derrière l’essor du numérique, se cachent des défis éthiques et sociétaux cruciaux. L’extraction des ressources repose souvent sur des conditions de travail précaires dans certains pays. L’accumulation massive de données soulève des questions de confidentialité, de surveillance et d’exploitation des informations personnelles. Enfin, la surproduction technologique s’inscrit dans une logique de consommation effrénée, à rebours des principes d’économie circulaire. Promouvoir des modèles plus durables, encourager la transparence dans la gestion des données et soutenir des alternatives responsables (open source, mutualisation des infrastructures…) sont autant de pistes pour inscrire le numérique dans une dynamique plus vertueuse.
Vers une approche équilibrée du numérique
Un numérique sobre ne signifie pas un retour en arrière, mais une transformation guidée par l’innovation responsable. Il est temps de repenser nos usages pour allier performance et éthique, en intégrant pleinement ces enjeux dans les stratégies des organisations.
Sous le prisme des trois piliers de la RSE, la sobriété numérique ne se limite pas à la réduction de son empreinte environnementale. Elle englobe aussi des enjeux de santé et d’éthique sociétale. En repensant leurs usages, les organisations peuvent transformer le numérique en un levier de progrès durable.
Chez Willing, nous accompagnons les entreprises et les collectivités dans cette transition en intégrant la sobriété numérique au cœur de leurs stratégies RSE. Grâce à notre centre d’expertise Willing Impact, nous aidons à concilier performance et responsabilité, pour faire du numérique un moteur de transformation durable.
Sophie Lavault, Docteure en neurosciences, psychologue clinicienne, ingénieur de recherche
Agathe Nicolle, Responsable RSE de Willing